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Développement

Imaginons un humain. C’est un animal avec une capacité à apprendre qu’aucune autre espèce ne semble égaler sur sa planète. Cet humain se demande ce qui, dans les formes que prend sa pensée, aurait été là quelle que soit son histoire. Qu’est-ce qui fait partie de son « moi » indépendamment de son parcours de vie, donc sans y être entré via un apprentissage.

Quels morceaux de « moi » viennent de ma biologie, d’une éventuelle nature humaine ? Quels morceaux de « moi » proviennent d’une transmission de matériel génétique et de marqueurs épigénétiques ? Il semble que la réponse n’est pas ‘aucun’, quand on considère qu’une poule socialisée comme un humain n’apprendra probablement jamais à écrire.

Quels morceaux de « moi » sont arrivés plus tard, relèvent d’un apprentissage dans un environnement qui m’aurait façonné ou transformé ? Quels morceaux de moi proviennent d’une transmission de matériel culturel et d’accidents qui marquent ? Il semble que la réponse n’est pas ‘aucun’, puisque je me pose la question en français.

Difficile à détramer ! C’est une question qui traverse les époques et les disciplines de recherche. Une des pièces du puzzle se trouve peut-être dans le début de vie, dans ce que font et sont les nouveau-nés humains. L’idée étant que plus on s’approche du début de vie, plus la part d’acquis est faible.

Jean Piaget postule que tout nouveau-né commence sa construction cognitive par une interaction avec le monde physique via son sensorium. Il tisse alors ses premières inférences en touchant, goûtant, frappant les objets de son environnement immédiat (Piaget, 1941). Cela voudrait dire que certaines dispositions sensorielles et motrices innées précèdent et structurent les premières constructions acquises. Piaget postule cela à partir d’un échantillon de trois : ses propres enfants.

 

Henri Wallon évoque un stade encore antérieur, où avant d’interagir avec le monde physique un nouveau-né interagit avec le monde social au moyen de signaux émotionnels. Les successeurs de Wallon prolongeront cette intuition en remarquant que des nouveau-nés commenceraient à imiter des expressions faciales quelques dizaines de minutes après la naissance[1] (Meltzoff et al., 1983). Les échanges de signaux émotionnels entre le nouveau-né et ses parents seraient comparables à un dialogue intersubjectif (Ajuriaguerra, 1962) qui génèrerait des normes et des attentes chez l’enfant (Nadel et al, 1999). Enfin, les dispositions à communiquer ainsi via les émotions sont possiblement innées, compte-tenu du fait que des expressions faciales émotionnelles ont été détectées chez des fœtus de 24 semaines.

 

En dehors de la validité de tel ou tel modèle, quelle différence heuristique ! Considérer que la forme la plus fondamentale de l’humain est un individu et ses expériences sensorielles, ou considérer que c’est un dialogue et des émotions.

[1] Remarquons que quand j’ai évoqué ces recherches devant des amis jeunes parents, ils ont exprimé de sérieux doutes à ce sujet.

Posté le 20/10/2021

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