top of page

Introduction

Imaginons deux enfants, Alice et Bob, dans deux scénarios. Dans le premier scénario, Alice frappe Bob, et rigole. Dans le second, Bob frappe Alice et Alice rigole.

 

Allons plus loin et précisons que dans l'un et l'autre scénario, le rire d'Alice est le même phénomène acoustique : mêmes notes, même cadence, même durée, même point d'émission. Pouvons-nous alors dire que c'est le même rire ?

 

J'ai l'intuition que non; que ces deux phénomènes se produisant à l'identique aux yeux de la physique ont des sens très différents. Je suis tenté d'attribuer au rire d'Alice dans le scénario 1 des connotations de moquerie, de satisfaction, voire de sadisme. Là où dans le scénario 2 je l'imagine comme un rire de défiance, ou d'auto-dérision, ou de masochisme.

 

La raison de ces lectures différentes de phénomènes 'rire' physiquement identiques se trouve dans le contexte qui les accompagne : le coup. Tout se passe comme si je considérais qu'en retournant la micro domination de 'qui frappe qui', on retourne aussi le sens du rire. En partie parce que je vais avoir tendance à articuler le coup et le rire de manière causale, à envisager le second comme la conséquence du premier, dans une gymnastique mentale qui rappelle l'effet Kuleshov.

 

Certes, les sciences physiques sont en partie outillées pour conceptualiser la causalité. Mais dans notre expérience de pensée, un observateur physicien naïf pourrait facilement conclure, après avoir comparé les deux scénarios, que puisque le phénomène 'rire' se produit quel que soit l'état de la variable 'coup', alors il en est décorrélé. Pour dépasser cette confusion, il faudrait atteindre un niveau de finesse des modèles physiques très poussé, par exemple en allant décrire les phénomènes qui se produisent à l'intérieur de l'esprit d'Alice. En d'autres termes, pour que les sciences physiques atteignent une compréhension plus complète du rire, il leur faudrait devenir, au moins un peu, des sciences humaines.

 

De ce constat, je tire plusieurs conclusions :

 

  • Une description purement physique d'un phénomène comme le rire ne permet pas toujours d'en saisir tous les aspects.

 

  • Une couche de sens supplémentaire semble émerger quand on confronte les événements aux contextes dans lesquels ils se produisent.

 

  • En l'état, ce 'sens' n'est porteur d'information que sur mes grilles d'analyse, en tant que spectateur qui s'efforce d'établir des liens de causalité, ici des raisons de rire.

 

  • Rien ne permet d'affirmer a priori que les raisons que j'attribue aux acteurs de la scène à laquelle j'assiste ont quoi que ce soit à voir avec la narration qu'eux-mêmes se font de l'événement. Rien si ce n'est la possibilité que nos grilles de lecture se ressemblent

​

Posté le 07/10/2021

Tu veux t'abonner ?

Merci !

Les trucs de Boomy : des sciences humaines, d'autres trucs, et des mashups drôlement baths.

bottom of page